L'estrobolome
Dernière mise à jour : 3 oct. 2020
Comme vous le savez surement le microbiote intestinal humain fait l’objet de nombreuses recherches médicales. On ne cesse de faire de nouvelles découvertes. L’adage populaire dit « Nous sommes ce que nous mangeons », mais nous sommes surtout ce que nous absorbons. A travers cet article, que j'espère complet et accessible à toutes et tous, je souhaite vous expliquer l'importance du microbiote intestinal pour une bonne santé hormonale.

L'appareil digestif
La nourriture que nous mangeons, est digérée et via le système digestif par le processus complexe de la digestion.
L’appareil digestif est un ensemble d’organes et de glandes dont la fonction est de permettre l’entrée des aliments dans l’organisme, leur digestion, l’absorption de ces molécules vers le milieu interne de l’organisme mais aussi leur élimination vers l’extérieur.
Source schéma : www.docteurclic.com
La nourriture réduite en molécules par le processus de la digestion est alors capable de traverser la barrière intestinale pour rejoindre la circulation sanguine et ainsi nourrir les milliards de cellules qui composent notre corps et nous fournir de l’énergie. Plus l’alimentation sera qualitative et plus les nutriments seront de bonne qualité pour nourrir nos cellules et optimiser l’ensemble des fonctions de notre corps.
La flore intestinale
Chez toute personne en bonne santé, la flore intestinale est composée d’un ensemble de micro-organismes (bactéries, champignons...). Il existe une vie microbienne intense dans le colon. Pour un poids moyen de 2 kg, notre tube digestif n’abrite pas moins de cent mille milliards de bactéries, soit 10 fois plus que le nombre de cellules qui constituent l’intégralité de notre corps !
On distingue 3 types de flore :
La flore dominante saprophyte (90%), la flore sous dominante pathogéne (9%), et la flore fluctuante (1%).
En général, tout ce petit monde vit en parfaite harmonie. Cependant différents facteurs peuvent influencer le développement des différentes flores comme les traitements antibiotiques, une alimentation trop sucrée, le stress, la prise de médicaments , la pilule contraceptive ou encore l'alcool.
Cela peut entrainer la prédominance de la flore pathogène et donner lieu à des troubles digestifs dont l'hyperperméabilité intestinale.
L'hyperperméabilité intestinale
Quand les jonctions de la muqueuse intestinale sont endommagées, elles se disjoignent et laissent alors passer dans le sang des toxines, des bactéries, des molécules non assimilables par l'organisme.Ce qui va engendrer une inflammation, se manifestant par des flatulences, des diarrhées, des douleurs ... L'hypermerméabilité intestinale peut également être à l'origine de certaines maladies auto-immunes.

Source : Dr Axe - Food is Medicine
Un Microbiote propre à chacun
Chaque individu possède un profil microbien spécifique, dépendant de multiples facteurs (mode de naissance -voie naturelle ou césarienne, allaitement ou non, qualité de la diversification alimentaire, environnement géographique, conditions d’hygiène, vaccinations, acidité gastrique...) qui influencent la diversité, la composition et l’activité métabolique du microbiote intestinal.
L'estrobolome
Les recherches récentes ont mis en lumière l’existence de microbes spécifiques qui jouent un rôle central dans la régulation des hormones et plus particulièrement des oestrogénes. On appelle ce microbiote spécifique l’estrobolome. Il influence le métabolisme de différentes formes d’œstrogènes et par conséquent, le risque de développer les maladies liées aux œstrogènes comme l’endométriose, le SOPK, le cancer du sein. Toutes ces pathologies pourraient être liées à la qualité de l’estrobolome.
Les différents types d'oestrogénes
Je vous propose un petit rappel sur les différentes formes d’oestrogénes.
Les œstrogènes jouent de nombreux rôles vitaux dans le corps humain, notamment en influençant la régulation de la graisse corporelle, la fonction de reproduction féminine, la santé cardiovasculaire, le renouvellement osseux et la fonction de la mémoire. Les œstrogènes ne sont pas seulement des hormones féminine. Elles jouent également un rôle important dans certains aspects de la santé des hommes tels que la maturation du sperme par exemple.
Le corps d’une femme produit trois principaux types d’œstrogènes. Les différentes formes d'œstrogènes ont des effets différents et influencent différents tissus et fonctions dans le corps.
Estrone (E1): L'œstrone est produite principalement dans les ovaires avant la ménopause et peut être convertie en estradiol dans le corps (et vice versa). Bien que les œstrogènes diminuent globalement avec la ménopause, l'estrone devient l'œstrogène circulant dominant après la ménopause. Il a des effets moins puissants que l'estradiol (E2).
Estradiol (E2): L'estradiol est la principale forme d'oestrogène produite dans les ovaires chez les femmes préménopausées et est également produit par les surrénales et le placenta. C'est la forme d'œstrogène la plus puissante pendant les années de reproduction en termes de taux sériques (prise de sang) absolus et d'activité œstrogénique. L'estradiol joue un rôle clé dans le développement des caractéristiques sexuelles secondaires féminines telles que les seins et la répartition des graisses corporelles chez la femme. L'estradiol est également important pour maintenir les tissus reproducteurs féminins, soutenir la croissance osseuse et influencer la santé cardiaque et la mémoire. On pense que cette forme d'oestrogène joue un rôle dans des maladies telles que l'endométriose, les fibromes et les cancers de l'utérus, des ovaires et des seins.
Estriol (E3): L'estriol est la forme d'oestrogène la moins puissante. C'est l'œstrogène dominant pendant la grossesse car il est fabriqué en grande quantité par le placenta.
Les œstrogènes se trouvent également dans certains composés de notre environnement. Certains sont produits par des plantes (phytoestrogènes comme le soja), qui peuvent être consommés comme aliments tandis que d'autres sont fabriqués de manière synthétique (xénoestrogènes) et se retrouvent dans les produits ménagers courants tels que les parfums, les pesticides et les plastiques.
Les toxines telles que les xénoestrogènes sont absorbées par le corps et stockées dans le foie et les cellules graisseuses. Ils peuvent s’ajouter aux œstrogènes produits de manière naturelle par le corps, et influencer la prolifération cellulaire ou perturber d'une autre manière l'équilibre hormonal du corps.
Ces différentes formes d'œstrogènes interagissent et s'influencent mutuellement dans le corps, de sorte que l'équilibre global des principales formes d'oestrogénes et de leurs métabolites joue un rôle clé dans la modulation du risque de maladie. Les niveaux d'hormones circulantes dans notre corps et leur métabolisme ainsi que leur excrétion, ont un impact sur votre risque de maladies inflammatoires, auto-immunes et malignes.
La connexion intestin-hormone et l'œstrobolome
Les microbes de l'estrobolome produisent la bêta-glucuronidase. Cette enzyme modifie les œstrogènes dans leurs formes actives.
La bêta glucuronidase
C’est une enzyme produite par l’estrobolome qui participe à la dégradation des glucides complexes, elles detoxifient les estrogénes, les hormones thyroidiennes, et d’autres toxiques environnementaux. Elle entre en jeu dans la phase 2 de la detox hépathique. Nous en avons besoin en quantité maitrisée. Un niveau élevée de la béta glucoronidase prédispose à une augmentation du risque de cancer hormonodépendant, tels que le cancer du seins, de l’uterus, des ovaires, de la thyroide, mais elle peut aussi entrainer une hyperostroegnie, et causer des problémes de détoxification hepathique.
En général, plus l'estrobolome de votre intestin produit de bêta-glucuronidase, moins les œstrogènes sont excrétés hors du corps, de sorte qu'il en reste plus dans le corps. Ces œstrogènes sont alors remis en circulation et peuvent se lier à des récepteurs spécifiques et exercer leur influence sur divers processus physiologiques.

Source : Colorado University - Food Science and Human Nutrition
Lorsque le microbiote intestinal est déséquilibré (un état connu sous le nom de dysbiose), l'activité de la bêta-glucuronidase peut être modifiée. En plus des niveaux variables de cette activité enzymatique, la richesse microbienne intestinale dans son ensemble influence également l'équilibre des œstrogènes circulant dans le corps.
Cette dysbiose peut entraîner soit une carence, soit un excès d'œstrogènes libres (appelée hyperostrogénie) et des déséquilibres entre les différentes formes d'œstrogènes et d'autres hormones, ce qui peut favoriser le développement de pathologies liées aux œstrogènes et de maladies chroniques. Certaines études ont d’ailleurs démontré que des femmes atteintes du cancer du sein avaient une moindre diversité de bactéries intestinales.
Le lien avec le foie
Le rôle du foie
On lui attribue plus de 200 fonctions dont celle de filtrer le sang au débit d'environ 1,5 litres de sang par minute soit prés de 2400 litres par 24 heures.
Parmi ses principales fonctions on retiendra ses fonctions métaboliques sur le métabolisme glucidique, lipidique et protéique, mais aussi le stockage des vitamines liposolubles (A,D, E et K) ainsi que la vitamine B9 est B12, et la transformation de la vitamine D.
Il sécrète le bile et est elle aussi essentielle pour le détoxication en assurant l'élimination des toxines endogènes (produits de dégradation de votre métabolisme) et les exogènes.
Le détoxification hépathique
La détoxification hépatique s'opère en 3 étapes :
Son but : transformer des toxines liposolubles et métabolites hydrosolubles afin de les excréter hors de l'organisme via les urines ou les selles.

Source : www.yogisa.life - (Merci Isabelle de m'avoir permis d'utiliser ton superbe schéma)
La phase 1 dite phase fonctionnelle
La plupart des toxines sont des toxines liposolubles. Elles sont transformées en produits intermédiaires grâce à l'action d'un enzyme que l'on appelle la Cytochrome P-450. Cette opération nécessite des co-facteurs indispensables tels les vitamines du groupe B, mais aussi des acides aminés, du glutathion, des flavonoides et des phospholipides.
La phase 2 dite phase de conjugaison
Dans cette étape, les métabolites toxiques vont devenir inertes.
La phase 3 dite phase d'élimination des toxines
Dans cette phase les métabolites inertes sont évacuer via les selles et les urines.
Le terme de "détox" est de nos jours galvaudé. Or, si une "détox"n'est pas conduite correctement, elle peu être néfaste en mettant en circulation des toxines qui ne seront pas correctement excrétées.
L'importance de la bile et de la vésicule biliaire :
La vésicule biliaire stocke la bile produite par le foie. Chaque années de nombreuses opérations d'ablation de la vésicule biliaire sont réalisées. C'est une opération assez bénigne pour le corps médical. Nous pouvons vivre sans vésicule biliaire bien sûr mais quel impact à cette opération sur la qualité de vie ? Comme nous l'avons vu plus haut la bile permet d'excréter entre autres choses les œstrogènes et leurs métabolites. Et lorsque vous ne pouvez plus stocker la bile dans la vésicule biliaire, celle-ci s'écoule alors en permanence ne permettant plus d'évacuer correctement les oestrogénes qui vont alors s'accumuler donnant lieu à un état de dominance des œstrogènes ou encore d'hyperoestrogénie. Ce phénoméne survient en général six mois après l'intervention.
Dysbiose de l'œstrobolome et maladie chronique
Compte tenu des différents rôles que jouent les œstrogènes dans le corps humain, il n'est pas surprenant que la dysbiose intestinale, qui altère l'estrobolome, ait été associée au développement de plusieurs maladies chroniques. Par exemple, la perturbation de l'estrobolome chez les femmes ménopausées est associée à un risque accru d'obésité, de maladie cardiovasculaire et de perte de densité osseuse telle que l'ostéoporose.
L'endométriose
D'autres recherches suggèrent que l'estrobolome du tractus gastro-intestinal et du vagin chez les femmes atteintes d'endométriose peut avoir un plus grand nombre de bactéries productrices de bêta-glucuronidase, entraînant une augmentation des taux d'œstrogènes circulants et une inflammation qui entraînent l'endométriose.
Le SOPK
Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est une autre syndrome qui peut être influencée par l'équilibre des microbes dans l'estrobolome. Des études suggèrent que le microbiote intestinal déséquilibré peut favoriser une biosynthèse accrue des androgènes et une diminution des taux d'œstrogènes grâce à une activité bêta-glucuronidase réduite, ce qui contribue aux déséquilibres hormonaux caractéristiques du SOPK.
Le cancer
Des recherches émergentes relient également la dysbiose de l'estrobolome à diverses formes de cancer. Cet équilibre altéré des microbes intestinaux conduit à des niveaux accrus d'œstrogènes actifs circulants, qui favorisent la prolifération cellulaire dans les tissus sensibles aux œstrogènes tels que les seins, l'endomètre, le col de l'utérus et les ovaires.
L’estrobolome est influencé par notre âge, notre environnement de vie, notre régime alimentaire, notre consommation d’alcool et d’antibiotiques ( y compris ceux contenus dans la aliments que nous mangeons)
Comment équilibrer votre œstrobolome
La composition de votre estrobolome est influencée par de nombreux facteurs, notamment la génétique, l'alimentation, la consommation d'alcool, les expositions environnementales et les médicaments, en particulier les antibiotiques. Par conséquent, vous pouvez soutenir votre œstrobolome et votre équilibre hormonal grâce à une combinaison de désintoxication, de régime alimentaire et de supplémentation pour encourager le corps à rétablir cet équilibre délicat. Il est important de travailler en collaboration avec un praticien compétent pour personnaliser une approche qui tient compte de votre corps et de vos besoins uniques.
Adoptez un régime alimentaire équilibrant les hormones
Le régime alimentaire influence fortement la composition de l'estrobolome. Plusieurs facteurs alimentaires peuvent avoir un impact positif sur ce dernier.
- Les aliments fermentés tels que la choucroute, les légumes facto-fermentés aident à rééquilibrer les bactéries intestinales et à augmenter la diversité. des bonnes bactéries.
- Les souches probiotiques telles que Lactobacillus acidophilus peuvent aider à diminuer les bactéries qui produisent la bêta-glucuronidase.
- Les aliments prébiotiques riches en fructo-oligosaccharides ou en inuline aident à favoriser la croissance de bactéries bénéfiques. Ceux-ci incluent la chicorée, les asperges, l'ail et la banane.
- Les aliments à base de plantes riches en fibres alimentaires (pensez aux noix, aux graines, aux légumineuses, aux haricots et à une variété de légumes) soutiennent des bactéries intestinales saines et conduisent à des niveaux plus équilibrés d'œstrogènes. Dans cette étude, l'avocat et le pamplemousse étaient particulièrement remarquables.
- Les légumes crucifères tels que le brocoli, le chou-fleur, le chou et le chou frisé sont utiles pour réguler les bactéries intestinales bénéfiques, fournir des fibres pour garder l'intestin en bonne santé et favoriser une désintoxication saine des hormones, y compris les œstrogènes.
Réduire son expositions aux toxiques
De nombreux composés d'origine humaine, les xénoestrogènes, peuvent imiter les œstrogènes naturels dans le corps et modifier la composition du microbiome. Vous pouvez prendre plusieurs mesures pour réduire votre exposition aux xénoestrogènes au quotidien.
- Minimisez votre utilisation de plastiques tels que les bouteilles d'eau en plastique et les récipients pour aliments, surtout lorsqu'ils sont chauffés.
- Soyez consciente de ce que vous utilisez comme produits de soins cosmétiques. La plupart des produits de grande consommation ont des composition douteurses. Évitez les parfums synthétiques, les phtalates et les parabens, qui peuvent avoir un impact sur l'équilibre des œstrogènes.
- Utilisez des produits de lessive et de nettoyage ménagers entièrement naturels et biodégradables.
- Choisissez des produits non blanchis sans chlore tels que des filtres à café, des sachets de thé, des produits hygiéniques, du papier toilette et des serviettes en papier ou passez aux options de coton biologique réutilisables lorsque cela est possible.
- Optez pour des aliments biologiques dans la mesure du possible.
Bouger pour une bonne santé hormonale
L'exercice est un autre excellent moyen de favoriser la désintoxication et de réduire le stress pour maintenir l'équilibre hormonal. L'activité physique aide à équilibrer les taux d'œstrogènes circulants à court et à long terme.
Des études suggèrent que le maintien d'un mode de vie active tout au long de la vie à partir de l'adolescence peut réduire le risque de cancer du sein. De plus, un exercice régulier d'intensité modérée peut réduire les taux d'œstrogènes circulants.
Si nous sommes ce que nous mangeons, nous sommes surtout ce que nous avons capacité à absorber mais surtout comme vous l'aurez compris, tout commence dans l'intestin ! Le mode de vie, la nutrition, l'activité physique et la gestion du stress sont tous utiles à l'équilibre de vos hormones. Ces habitudes de vie et alimentaires peuvent vous aider à équilibrer votre estrobolome et à garder vos hormones en bonne santé ! Il ne faut jamais sous-estimer l'impact d'un mode de vie sain, et d'une bonne alimentation.
Sources :
Vidéo : Le microbiote intestinal au service de notre santé
- Guo, Y., Qi, Y., Yang, X., Zhao, L., Wen, S., Liu, Y., & Tang, L. (2016). Association between Polycystic Ovary Syndrome and Gut Microbiota. PLOS ONE, 11(4), e0153196. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0153196
- Zhang, J., Sun, Z., Jiang, S., Bai, X., Ma, C., Peng, Q., … Zhang, H. (2019). Probiotic Bifidobacterium lactis V9 Regulates the Secretion of Sex Hormones in Polycystic Ovary Syndrome Patients through the Gut-Brain Axis. MSystems, 4(2). https://doi.org/10.1128/mSystems.00017-19
- Lindheim, L., Bashir, M., Münzker, J., Trummer, C., Zachhuber, V., Leber, B., … Obermayer-Pietsch, B. (2017). Alterations in Gut Microbiome Composition and Barrier Function Are Associated with - Reproductive and Metabolic Defects in Women with Polycystic Ovary Syndrome (PCOS): A Pilot Study. PLOS ONE, 12(1), e0168390. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0168390
- Skar, V., Skar, A. G., & Strømme, J. H. (1988). Beta-Glucuronidase Activity Related to Bacterial Growth in Common Bile Duct Bile in Gallstone Patients. Scandinavian Journal of Gastroenterology, 23(1), 83–90. https://doi.org/10.3109/00365528809093853